Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pourquoi ce blog?

Chroniques libres et dessins sur les lieux, les villes, les gens, la famille.

Recherche

Archives

Articles RÉCents

22 mai 2006 1 22 /05 /mai /2006 07:06

Sur le flanc sud, la longue brûlure noire comme une langue mortelle. Le chemin se perd presque dans le taillis calciné. Rien, ni le vent ni les nuages lourds qui rasent le mont, ne semble pouvoir en apaiser la douleur. La vallée que nous avions quittée annonçait déjà cette aridité qui maintenant a envahi le sol, et que le feu a rendu comme définitive. La montée pourtant est facile, le village aux toits pentus encadrés de leurs pignons blancs s'enfonce lentement dans le vallon. En avançant, la perception change quand le mont tourne sur lui-même, que le paysage s'agrandit, que l'horizon se dégage sous le ciel mouvementé, que se dessine le tracé de la côte, que la mer apparaît , lointain reflet sombre qui échancre les terres. La lumière s'est intensifiée, épurée, le paysage la renvoie comme une parabole, la surface au-dessus de nous s'amenuise quand celle de la vallée s'étend, le vent s'est mis de face et soulève les cirés, nous sommes des silhouettes légères sur la terre rase, et qui se penchent pour avancer dans le vent qui forçit, je tiens la petite main de Bertrand qui, à sept ans, a du mal à rester sur le sol, et qui, en arrivant au sommet, quand la pente s'adoucit et laisse percevoir l'autre versant, quand l'horizon d'un coup s'élargit circulaire, et que le vent s'installe définitivement sur le sommet comme une conquête, s'écrit: "C'est génial ! ".

Nous tournons autour des tables d'orientation, plissant les yeux pour apercevoir les villages lointains, la presqu'île de Crozon, la baie de Brest et de l'autre côté les monts d'Arrée. Nous circulons sur la butte, s'arrêtant quand le sol s'infléchit, cherchant un autre chemin pour descendre, mais revenant toujours au plus haut pour embrasser le ciel, le vent, l'horizon. Partir, c'est vouloir échapper à l'emprise du site, au mystère des ancêtres lointains qui durent venir ici, les nuits de pleine lune, sacrfier aux dieux exigeants, formes fantômatiques implorés par je ne sais quelles prières, sous une lune hollywoodienne que malmènent les ciels d'orages. Entend-on encore dans le sifflement du vent les haleines des esprits errant sur les landes sauvages? Quelles forces ont été mises en oeuvre pour conjurer l'angoisse des hommes, pour aiguiser leurs ambitions guerrières, ou pour supplier de leur donner de quoi vivre seulement? Les esprits s'égarent sur les espaces trop vastes.

Nous redescendons poussés par le vent, les cirés plaqués sur les jambes, les oreilles sifflent encore de l'air du sommet, nous retrouvons peu à peu les haies, les chemins creux, les bosquets d'arbres, les maisons blanches aux toits d'ardoise, la voiture.

Bertrand, deux fois, demandera à remonter au sommet, pour goûter les grands espaces, pour arraisonner l'horizon, pour avaler le vent à pleins poumons, pour sentir la terre plus profonde, et pour dominer le monde.

Partager cet article
Repost0

commentaires