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Chroniques libres et dessins sur les lieux, les villes, les gens, la famille.

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28 janvier 2006 6 28 /01 /janvier /2006 16:04

Récemment, je classais des papiers de banque, de caisse d'assurance maladie, de complémentaire retraite, de devis divers, à la recherche de l'immatriculation maritime du petit bateau d'occasion acheté l'an dernier. En fait ça ne m'arrive que très rarement de classer des papiers, vu l'intérêt de la chose.

Je vis entre les feuillets épars quelques pages blanches, avec au milieu, quelques phrases écrites à la main: l'écriture se voulait lisible, claire; une feuille semblait même écrite avec une plume calligraphique, à l'encre verte, tellement les pleins et les déliés étaient marqués.

Des poèmes! Et manifestement, l'écriture est de moi. Au total onze feuillets. en fait plus, parce que le dernier regroupe plusieurs feuilles marquées en haut à gauche "état 1", "état 2", etc jusqu'à 4, comme une gravure avec laquelle on fait des essais. Plus remarquable: tous les feuillets, sauf un, sont datés: le premier du 3 avril 2004, le second du 7 avril, puis les autres n'ont que la mention, ajoutée avec un autre stylo, avril 2004. La feuille non datée semble être une amorce de poème, quelques mots, (prendre/ au matin/ la main du jour), la suite étant biffée.

Vous me demandez que je vous livre ces poèmes? Peut être satisferais-je votre curiosité légitime! Le blog autorise une impudeur que je n'oserais autrement...

En tout cas, c'est sûr, en avril 2004 je fus "poète"! D'ailleurs Sûr est le premier poème, celui du 3 avril. un mot a été modifié plus tard. Allez ! je vous le livre:

Sûr

Le vide embrase le jour

vertige à venir du passé nié

le miroir mobile s'ouvre sur le ciel blanc

éclair d'aplomb avant la nuit.

J'en essaie l'exégèse en vain. Aucune idée de ce que j'ai voulu dire ! Je vous en laisse le soin. (mais il s'agit bien d'embraser et non d'embrasser). Le second est dédié à Alain, un graveur avec qui d'ailleurs j'ai fait deux petits livres (voir dans le blog Les territoires d'Alain Cazalis), mais c'étaient des textes d'amusement, des devinettes. Il doit correspondre à une gravure: je vous l'épargne donc.

Le troisième n'a pas d'indication de jour, mais comme il est écrit avec la même encre verte, je suppose qu'il a été écrit en même temps. A la relecture, je le trouve si fade que je ne vous le propose pas. Comme je ne peux pas tous les éliminer, n'est-ce pas?, je vous accorde le quatrième; il est sans titre.

La ligne qui se dessine là

bouge à peine sous le souffle

s'échappe en couleuvre

se tend en fouet du ciel

s'enroule en pelote prometteuse

se fixe en hypnotique lacet

s'égare en sillon ivre

s'écoule en ruisseau fier

se détend en liane nonchalante

s'aiguise en crête aride

la ligne qui se dessine ici

sera-t-elle horizon ou collet?

Mais parmi les feuillets un titre m'intrigue: Alzheimer

aux franges des cavernes dévastées

dans la nuit creusée de doute 

les souvenirs égarés,

jalons dérisoires éparpillés

en mikado pathétique

Pourquoi ai-je écrit un poème sur la maladie d'Alzheimer, alors qu'aucun de mes proches n'en est atteint? Je ne me souviens pas, ce qui m'alarme tout à coup !

Un autre me semble un peu trop pessimiste:

Le champ est clos de brume

la bêche creuse la terre dure

la retourne, noire et pauvre

l'homme, seul dans le champ

(le champ n'est pas si grand)

progresse lentement.

Le soir noirçit la brume

la nuit ferme le champ

et l'homme dedans

rien ne dit que demain

lui permette de terminer

de bêcher le champ.

Enfin (je vois que je vous lasse), je treminerais par un plus léger, pour finir:

Point à la ligne

un point

                                          une ligne courbe

                  inflexible  

                                          à

                                           l'aplomb

                                           certain

mais le point

malin

                 rend amoureuse

                 rend malheureuse

                                           la ligne

                       brisée.

Eh oui! voilà comment, en avril 2004, quelqus jours seulement, mais plus après, je fus poète!

Il vous salue bien.

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22 janvier 2006 7 22 /01 /janvier /2006 23:22

Strasbourg, 21 janvier 2005, 8 h 33

Presque vide, le train semble à peine partir, sans enthousiasme, sans élan. Le matin est doux et le ciel est de bonne volonté. Le train quitte la ville sans joie ni regret. Les voyageurs s’installent doucement, sauf un jeune homme qui téléphone bruyamment derrière moi pour dire qu’il a raté son train (« j’ai merdé mon réveil ») ; sa figure exprime bien sa nuit difficile.

Colmar, 9 heures à peu près

Même impression de vacuité. La gare presque déserte. Pourtant les annonces du conducteur et du barman (en français, allemand et anglais) tentent d’être dynamiques. La jeune femme à ma droite est sympathique : elle va à Lons-le-Saulnier, lit la revue Cosmopolitan. Elle est blonde, poudrée, a la lèvre supérieure qui avance un peu, et des yeux rieurs.

Je lis les premières pages du numéro de décembre de la revue Le matricule des anges : en couverture, Paul Nizon, au look de barbouze. Un édito (p.3) de Thierry Guichard, confus, mêle des considérations sur l’édition (en janvier, c’est la qualité), la politique (« un ministre a donné du racaille à des centaines de milliers de contemporains »), et la littérature (si Nizon avait irrigué la société, Busch n’aurait pas envahi l’Irak…).

Mulhouse, 9 h 35

Le train se remplit : une femme s’installe dans le siège devant ; elle a un long manteau noir, des bottes noires, un sac noir, des cheveux blancs. Elle enlève son manteau : elle a une longue jupe noire, une autre jupe noire courte en superposition, un pull noir. Elle est mince, fine, mais a des mains tavelées et noueuses. Elle lit Libération. Un jeune couple s’est assis deux rang devant. Lui a une visage franc, ouvert. Elle a des yeux maquillés, des sourcils faits au crayon, un visage ovale et volontaire. Je n’arrive à entendre de leur conversation que quelques bribes, d’elle à lui : « toi, tu es vachement calé en histoire et en culture gé ! ».

En quittant Mulhouse, on longe le canal aux eaux gelées, aux bateaux bâchés.

Lu l’article sur Pasolini (p.8), « le désir et la rage ». Pasolini se définissait comme un «contemporain alerté, un mécontemporain ».

Montbéliard, 10 heures

Qui est monté, qui est descendu ? Le train s’est arrêté doucement, est reparti doucement, comme pour ne pas déranger…

A la voiture bar, échange avec le barman : je lui dit que j’ai entendu son annonce et qu’il doit être de Marseille ; il me répond qu’il a un peu forcé l’accent…

Le train longe la vallée du Doubs, prise dans la brume ; l’eau miroite pourtant, entrecoupée d’écluses, de biefs. La brume est nimbée de soleil : quand il apparaît, c’est brusquement, comme un flash, et tout s’illumine.

De retour à ma place (voiture 6, place 71). La jeune femme blonde assise à côté de moi a avancé dans Cosmopolitan : elle est à la rubrique cinéma, avec le film Münich, puis elle passe à la rubrique VIP avec Jennifer Ariston, « la classe absolue ». Le femme en noir est partie. Deux livres sont restés sur sa tablette, mais je ne peux voir le titre que d’un : Et après, avec en couverture un visage de femme dont on voit qu’un œil fixe, interrogateur. Quand elle revient, elle me semble plus vieillie, plus fatiguée. Elle reprend la lecture de Libé. Le jeune couple discute toujours doucement, sans que je puisse rien comprendre. Le femme est penchée en avant, son visage tourné en permanence vers son compagnon, attentive et volontaire.

Besançon, 10h 57 mn 45 sec. (à l’horloge de la gare)

Des voyageurs montent, des jeunes surtout. Un jeune homme au cheveux coupés très court s’installe au rang derrière : sûrement militaire, il a un gros sac kaki et des skis courts. Devant, une famille avec un bébé qui pleure.

Le soleil campe maintenant solidement sur le paysage qui est devenu joli mais simple: champs, vallons, fermes, le Jura au loin… Le wagon s’est rempli de bruits : les sonneries des portables, le grésillements des baladeurs, les conversations sourdes, les cris du bébé. Tout cela devient banal, ennuyeux.

En avançant dans la revue Le matricule des anges, p. 29, un article Ce qu’on voit des trains, « éloge de la lenteur, méditation sur le temps et les paysages enfouis, le livre d’Eric Faye (Mes trains de nuits) invite à un voyage sans destination, au gré des aiguillages de la mémoire ». Ce matin, je suis à un niveau plus basique, immédiat : enregistrer les sensations, les visions fugitives du voyageur, immobile sur son siège, mobile dans le paysage.

Lons-le-Saulnier, 11h 55

La jeune femme blonde descend : en fait elle est juriste à la Caisse d’assurance maladie. Elle est aussitôt remplacée par une femme brune en blouson de cuir noir, au visage fermé, aux lèvres serrées. Le paysage s’étale de plus en plus, dans ce qui devrait être une belle journée d’hiver.

Je termine les articles sur Paul Nizon, dont je n’ai encore lu aucun livre. Forte personnalité, avec la liberté pour ligne de vie. Suisse de langue allemande, il vit à Paris. Les titres des articles sont évocateurs : « le chercheur de vie », « le voyageur intérieur », « le vol de l’épervier » ! Les portraits sont en noir et blancs, contrastés, dans des poses de malfrat plus que d’écrivain : sur l’un (p. 18) il a quelque ressemblance avec André Breton, sur un autre (p. 22) il peut avoir un petit air de Gabin. La fin de l’interview est étonnante : « quelle place estimez-vous occuper dans la production littéraire contemporaine ? » « Je pense que j’appartiens quand même aux écrivains européens importants ». Plus loin : « Le dernier prix Nobel allemand était Jelinek. Jelinek est un écrivain autrichien important, mais il y en a d’autres qui sont aussi importants, comme Handke, comme Bernhard, qui ne l’ont pas eu, et c’est absolument mon niveau ». Modestie… Je retiens à lire : L’Année de l’amour (Acte Sud), sur son séjour à Paris.

Bourg-en-Bresse, 12h 29

Une jeune fille s’est assis devant : elle est métis, porte une longue chevelure de laine blonde et bouclée qui lui tombe sur la tête de tous les côtés ; elle porte des bottes blanches à hauts talons et aux bouts très pointus, un jean serré, un blouson blanc ; elle est complètement absorbée par son téléphone portable.

Les contrôleurs de la SNCF passent pour la nième fois. Je remarque seulement que leur cravate bleue aux petits tirets rouges est tenue par une épingle de cravate dorée qui représente un locomotive à vapeur et son tender.

Trois policiers des Douanes, treillis bleus, pistolets à la ceinture, passent avec un chien qui renifle les bagages, suivis à quelques mètres par deux femmes dans la même tenue. Le jeune homme au crâne rasé et au gros sac qui est derrière est emmené discrètement pour être fouillé. Le train roule maintenant dans la plaine sans intérêt. Les douaniers demandent à un autre jeune homme d’ouvrir ses bagages. Les gens se retournent, comme moi d’ailleurs, pour en voir un peu plus. Les douaniers ont terminé leur fouille et les jeunes regagnent leur place. Le chien passe près de moi et je le regarde avec méfiance…

Lyon, 12h 16

Le train entre en gare de la Part-Dieu. Je suis de retour dans ma ville.

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8 janvier 2006 7 08 /01 /janvier /2006 22:07

 

Rome est paraît-il (d'après l'un des personnages du film Roma de Fellini) la ville idéale pour attendre la fin du monde...

De Rome je me souviens de ses trottoirs épouvantables, de ses églises innombrables, de ses chocolats excellents, ... et de son Panthéon, peut être le bâtiment le plus parfait qui existe. En tout cas qui n'a pas perdu de sa force d'émotion depuis vingt siècles.

L'extérieur en est fruste, fait de briques entassées, meurtries par le temps, par les modifications successives, les guerres peut être, les événements de l'histoire sûrement; il n'est en fait qu'un cylindre grossier surmonté d'une coupole presque plate, sans aucune décoration. Nous sommes devant une tour romaine comme il y en a eu tant, tour de guet, tour de défense, silo à grain, immeuble aveugle et sans grâce.

La première surprise vient de l'accouplement de cette tour rustique aux colonnes lourdes, d'une seule pièce, surmontées d'un tympan vidé de ses sculptures. Les colonnes sont des soldats dressés qui en défendent l'entrée; elles en constituent une garde impressionnante devant la lourde porte de bronze, elles se resserrent sous le fronton, elles assurent le seuil. Le lieu est étrange: d'un côté la ville (l'obélisque de la place, étrangement surmonté d'une croix, est tout proche), de l'autre la porte de bronze qui laisse entrevoir un douce lumière, attirante et mystérieuse.

Les quelques mètres qui séparent les colonnes antiques de l'intérieur offrent une des plus grandes surprises qui soit.

Il ne s'agit que d'une coupole légère, mais qui enchante par l'extrême justesse de ses proportions intérieures, par le dessin des caissons qui allègent le dôme, et surtout par la présence de l'oculus ouvert, seule source où la lumière et la pluie sont également bienvenues, et le soleil trace sa courbe sur l'intérieur de la coupole. Proportions idéales et simplicimes où la hauteur et la largeur sont égales, où une sphère parfaite s'inscrit entièrement dans le monument. La force et la sérénité qui s'en dégagent sont à ce prix. Le seul lieu où l'on peut, quand l'on se situe au centre, à la verticale de l'oculus, se sentir au centre du monde ou du moins d'une certaine conception du monde.

"J'avais corrigé moi-même les plans trop timides de l'architecte Apollodore. J'avais voulu que ce sanctuaire de Tous les Dieux reproduise la forme du globe terrestre et de la sphère stellaire, les sphères où se renferment les semences du feu éternel, de la sphère creuse qui contient tout. Cette coupole, construite d'une lave dure et légère qui semblait participer encore du mouvement ascendant des flammes, communiquait avec le ciel par un grand trou alternativement noir et bleu. Ce temple ouvert et secret était conçu comme un cadran solaire. Les heures tourneraient en rond sur ces caissons soigneusement polis par des artisans grecs, le disque du jour y resterait suspendu comme un bouclier d'or; la pluie formerait sur le pavement une flaque pure; la prière s'échapperait comme une fumée vers ce vide où nous mettons les dieux."

Marguerite Yourcenar, en écrivant ces lignes dans les Mémoires d'Hadrien (même s'il est avéré que nous ne connaissons pas l'architecte que l'empereur Hadrien aurait corrigé), a résumé le choc que depuis vingt siècles reçoit le visiteur, citoyen romain, courtisan, fidèle, religieux, ou touriste.

Les Mémoires elles-mêmes ont, par la densité de l'écriture, la rigueur de leur évocation et l'authenticité avec laquelle Yourcenar entre dans le personnage de l'empereur, des qualités similaires à l'architecteure du Panthéon, lieu auquel on souhaite revenir inlassablement, source inépuisable de la grandeur de l'homme et de l'harmonie qu'il peut concevoir.

Si je devais attendre la fin du monde, ce serait peut être à Rome, mais ce serait alors au centre du Panhéon.

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21 décembre 2005 3 21 /12 /décembre /2005 05:49

La question est d'importance, puisqu'il s'agit tout simplement de devenir immortel. La première condition est d'avoir quelque talent, la seconde est qu'il soit reconnu. Une fois ceci acquis, le reste vient assez naturellement.

Pour entrer à l'Académie, donc, le plus simple est de prendre le métro, ou un taxi.

C'est ce que nous fîmes le 14 décembre dernier. Nous nous arrêtâmes à la station Odéon, puis prîmes la rue Mazarine, traversâmes le carrefour de Buci pour arriver sur l'arrière de l'Institut. Dans l'approche nous pûmes deviner parmi les passants de ce jour de décembre un peu froid et pluvieux, ceux qui comme nous étaient inéxorablement attirés par ce bâtiment dont la cour extérieure ne semble faite que pour mettre en valeur la fameuse coupole. Nous consacrâmes les quelques moments d'avance dont nous disposions exceptionnellement pour revoir l'Hôtel de Salm, bâtiment le plus admiré à Paris par Jefferson quand il était ambassadeur en France des Etats Unis naissants;Jefferson, semble-t-il, pouvait rester des heures à le contempler. Nous fîmes quelques pas sur la passerelle des Arts pour admirer une des meilleures vues sur Paris.

Mais la curiosité l'emporte rapidement, les personnes affluent maintenant en nombre et se pressent pour montrer le beau carton d'invitation, avec en filigrane la tête de la déesse Athéna. Les huissiers prennent délicatement le carton dans leurs gants blancs pour le vérifier. L'importance du lieu et de la cérémonie qui va avoir lieu nécessite, dans ces temps troublés qui sont les nôtres, de passer sous un portique gardés par des vigiles impressionnants, avec, pour les dames, une fouille, discrète il est vrai, des sacs. L'étape suivante est l'attente devant le vestiaire, où la politesse de chacun fait oeuvre de patience.

Contrôlés, allégés, ce n'est pas sans une certaine émotion que nous pénétrons dans l'enceinte. Deux autres huissiers nous guident vers nos fauteuils: nous faisons quelques pas enfin sous cette fameuse coupole qui fit rêver tant de personnalités, d'écrivains, de peintres, de compositeurs, d'artistes. La coupole est simple et semble petite, les murs sobres sont rehaussés de quelques tapisseries, le hall de quelques statues. Les fauteuils des académiciens sont en verts, et pour le moment vides. Les gens se saluent, s'embrassent, l'ambiance est bon enfant.

"À 15 heures très précises ", indiquait le carton. À 15 heures très précises la voûte résonne des roulements de tambours de deux gardes républicains en habits d'apparat. Puis viennent les académiciens en habit vert, le Président en tête, suivis des académiciens qui n'ont pas cru bon de revêtir leur habit. Le silence se fait dans la salle. Le président annonce l'objet de cette réunion, l'introduction d'Edith Canat de Chizy à l'Académie des Beaux-Arts. Elle arbore un très bel habit, plus sobre mais évidemment plus féminin que ceux des hommes. Le col ouvert est orné de broderies, ainsi que les poches et une martingale dans le dos.

La parole est à Jean-François Mâche, compositeur, qui fait l'éloge d'Edith, retraçant son enfance, sa découverte de la musique, de la peinture, de la poésie, de la philosophie; sa rencontre déterminante avec Maurice Ohana; son travail de pédagogue et de directrice de conservatoire; ses compositions; son amour du violon et des cordes, de la voix aussi; sa musique chatoyante et vivante enfin. C'est à Edith Canat de Chizy qui revient de faire l'éloge de son prédécesseur au fauteuil d'académicien, Daniel Lesur, qui d'ailleurs eut Ohana parmi ses élèves. La filiation est ainsi assurée. Après les applaudissements, le président propose d'écouter un extrait de musique de Lesur , puis clot sobrement la séance.

La suite sera congratulations, embrassades, sourires. Jean-François Mâche montre et fait écouter à qui veut son épée lumineuse et sonore; nous trouvons que pour la plupart ces académiciens ont de bien belles têtes. Edith est la seule femme, et la plus jeune ! Une autre cérémonie, dans un salon proche de la coupole verra aussi quelques discours et la remise à Edith de la broche d'académicien, représentant des violons avec au dos les premières mesures de son concerto pour alto. Champagne et petits fours...

Mais déjà nous sortons, retrouvons l'air de Paris, pour aller quelque peu plus loin, sur le quai, à une autre manifestation sur la parution du livre sur Jean-Paul Baeitto. Nous arrivons en retard, mais avant que Pierre Maurois n'achève son intervention...

Paris, dit-on, est une fête....

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26 novembre 2005 6 26 /11 /novembre /2005 08:18

Le pot au feu embaume la maison. Il attire inévitablement vers la cuisine, légèrement embuée. Le geste est de soulever le couvercle, de se pencher au-dessus de la vapeur odorante, et de découvrir les trésors cachés sous l’eau qui bout.

Commençons par la pomme de terre, qui mérite toute notre estime. Elle sauva nombre de petites gens de la disette. Elle en garde une image populaire, oresque révolutionnaire. Elle fut magnifiée dans un tableau de Van Gogh, les éplucheurs de pommes de terre. Elle sait se faire délicate quand elle est nouvelle, en provenance des îles de Ré ou de Noirmoutier. Mais elle a un grave défaut : elle est récente ; elle n'est arrivée, honneur à Parmentier ! il n’y a que deux siècles et quelques.

Mais avant ? que mangeait-on, vous et moi, mesdames et messieurs, quand il n’y avait pas les frites ? Je vous le demande ! La carotte ? le navet ? le céleri ? le fenouil ? la betterave ? l’aubergine ? le chou ? le poireau ?

Prenons le le potiron par exemple. A l’évidence c’est un vieux légume. La meilleure preuve, c’est qu’il est dans les contes. Que ferait Cendrillon sans lui ? Un carosse en navet? Eh bien non ! ce n’est pas un jeune homme, mais il ne nous est arrivé qu’au XVIe siècle, avec ses frères et cousins le potimarron, le potiron rouge d'Etampe, le giraumon, le potiron bleu de Hongrie, ou la sucrine du Berry...

Prenons un autre exemple : la carotte ! Elle a l’allure d’un vieux légume tiré d’une terre ancestrale. Elle a une couleur vive, réhaussée de ses fanes. Elle est souvant encore enveloppée de terre. Et quand on la gratte, elle dégage une bonne vieille odeur de vieux légume. Là, vous avez presque raison. Sauf que ! Elle n’a sa couleur orangée que depuis le XVIIIe siècle ! Avant elle était blanchâtre; les Grecs et les Romains la connaissaient mais la détestaient. Et ce n’est qu’à partir du Siècle des Lumières qu’elle donne bon teint et rend gentil les petits enfants.

Je vous parle de la tomate ? une face rubiconde, rouge à souhait, relevée d’une petite tige verte, un goût rafraîchissant et profond, un légume de base, quoi !. Que point nenni ! Arrivée tard du Mexique, elle ne fut longtemps qu’une plante médicinale : les Anglais (eux !) préconisaient à la fin du XIXe de la faire bouillir trois heures avant de la consommer, tellement ils craignaient qu’elle soit nocive !

Le haricot, comme chacun sait vient du maya ayacolt, où c’est un vieux légumes chez les Incas, mais pas chez nous : toujours le XVIIIe. Alors où sont les vieux légumes ?

Le chou ! oui, le chou (avec un x au pluriel comme hibou, genou, et quelques autres) est un vieux légume. Nous y sommes, si j’ose dire, tous nés ! chou rouge, chou cabus, chou vert, chou blanc, chou frisé...voilà un vieux de la vieille !

Le poireau ! l’honneur suprême de l’agriculteur ! En voilà un autre, que les Romains estimaient. Néron l'appréciait tellement pour ses vertus médicinales (le poireau était réputé pour calmer la toux et adoucir les cordes vocales) qu'il était surnommé le "porrophage".

Le radis ! comme le petit frère de la carotte. Mais lui, on le trouve sur des hiéroglyphes égyptiens ! C’est pas vieux, çà !

Un autre ? Chiche ! le petit pois ! (Ah ! Ah !). On en a retrouvé d’il y a sept mille ans avant notre ère ! Enfin, il devait ressembler à ceux entassés dans nos boîtes, comme l’Homme de Cromagnon ressemblait à Johnny Depp !

L’épinard, en voilà un autre bien sympathique, avec ou sans le beurre qu’on met dedans. Catherine de Médicis l’adorait pour son goût mais aussi pour ses qualités digestives. Et l’épinard fraise ? Cà vous dit rien, l’épinard fraise ?

Les fèves (certainement d'origine egyptienne), qui étaient déjà cuisinées par les grecs, et qui ne servent même plus dans les galettes des Rois !

Les lentilles (bibliques, les lentilles) et les vesces qui étaient encore très cultivées au moment de la révolution française.

L'ail, ramené par les croisés, et qui servit dans la pharmacopée, en particulier pour lutter contre la peste. Les mongettes, à cuire dans un pot de terre dans un coin de la cheminée comme en Vendée. Etc. etc 

Et puis, et puis, il y a les oubliés, les perdus, les retrouvés.

Sur les bas-côtés des marais salants, on y trouve de nouveau la salicorne, qui réhausse les salades.

Le panais, qui est peut être le véritable ancêtre de la carotte.

Le pissenlit, qu’on est pas obligé de manger par la racine (je faiblis, je faiblis…)

Les crosnes, à manger frits !

Le cardon, ah ! le cardon ! qui me fait penser à ma grand-mère qui faisait les cardes en sauce blanche, quel délice ! On les confond avec les bettes, ou blettes, poirées ou jouttes, selon les régions. 

La bardane, cousine du salsifi, aux si jolis noms. J’oubliais : le topinambour ! Mais j’en oubli tellement d'autres !

Allez ! je terminerai par cette bonne ortie, que nos jambes de gamins craignaient, mais dont les vertus sont méconnues.

Mélangez tous ça, faire mijoter, et bon appétit !

Ô vieux légumes!

Vous êtes notre histoire enfouie dans les estomacs de l'histoire!

Vous êtes notre madeleine de Proust!

Vous êtes notre patrimoine culturel le plus vital

Gloire à vos goûts onctueux!

Gloire à vos formes et vos couleurs dignes d'Archiboldo!

Gloire à vos noms savoureux!

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23 novembre 2005 3 23 /11 /novembre /2005 06:50

Le choc premier se fit au Panthéon, quand fut reproduite la démonstration du pendule. La boule est dorée, luisante. Elle exprime son poids, sa densité; elle a la beauté des objets dont la vocation est unique, inexpugnable, éternelle. Est-ce le poli du cuivre, les reflets des rais de lumière qu'elle diffracte, la douceur supposée de son touché, ou simplement la radicale simplicité de sa fonction? Il faudrait être un grand poète pour en décrire les subtilités, les résonnances, les vibrations qu'elle peut procurer au visiteur. (je pense bêtement aux tâches imposées aux bizuths, au lycée du Parc à Lyon, il y a bien longtemps de cela, dont l'une était de décrire en six pages une boule de billard blanche...) La boule n'est pas si nue que cela: d'un côté, un anneau permettra d'y attacher le câble; de l'autre, un stylet aiguisé tracera une légère empreinte sur le sable. Autant la boule est ramassée, compacte, luisante, autant le câble est fin, discret, interminable, disparaissant dans les hauteurs où l'oeil le perd, et où seul l'esprit pense qu'il est bien attaché au sommet de la coupole, à des dizaines de mètres de hauteur. L'idéal serait qu'il ait une longueur infinie, qu'il se perde dans le ciel, qu'il se rattache au cosmos dont il veut démontrer le mouvement, où bien que ce soit la main de Dieu lui-même qui le tienne délicatement entre le pouce et l'index.

Le stylet le rattache au sol: il viendra délicatement l'effleurer pour en laisser une trace si légère mais si capitale dans la démonstration, dans son infime mais inexorable variation. Dans sa simplicité, dans l'entêtement de son va et vient perpétuel, le pendule absorbe toute volonté, tout désir, tout avenir. Il existe en lui-même, son action est si fusionnée avec son but qu'on n'attend de lui rien de plus que de susciter l'hypnose qui entraînera l'esprit dans les mystères de la création du monde et du mouvement des sphères. Surtout il impose son rythme, moins celui de la période de son mouvement que le décalage qui seconde après seconde se fait avec le sol. Les premières minutes semblent montrer une vitesse trop lente: c'est simplement que nous n'y sommes pas adaptés, comme l'oeil doit s'adapter à la pénombre. Et puis curieusement, la vitesse s'accélère, elle est mieux perçue, le corps petit à petit se met au diapason du mouvement de la terre. Un équilibre se crée, une harmonie entre le volume de la coupole, le mouvement de balancier du pendule et la rotation du Panthéon et de toute la terre qui vient avec lui. C'est à ce moment là que la tentation vient de s'identifier au pendule, de s'insérer dans cette boule qui maintenant apparaît si petite, pour garder toujours la même direction par rapport aux astres, pour se détacher de la terre, pour entrer en vibration avec une force qui la dépasse.

Le mirage pourtant doit s'interrompre. La résistance de l'air, le très fléger frottement sur le sable, peut être même l'attache du câble ont réduit l'amplitude du pendule; il ne traverse plus la coupole avec l'assurance de sa force, il semble hésiter, ou douter de son propre mouvement. Une main soudain le capture, l'éloigne du centre, et le libère à nouveau. Cette intervention humaine a brisé le charme. Les spectateurs s'éloignent, jettent un coup d'oeil détaché aux fresques qui couvrent les murs, se demandent s'il faut aller voir les tombeaux des grands hommes au sous-sol, et ont hâte de retrouver la lumière, le bruit de la ville, et le rythme de la vie quotidienne, sans envisager qu'il puisse prendre la régularité et le calme du pendule.

Je retrouvais des sentiments semblables au beau musée du Temps à Besançon, où, dans des proportions moindres et dans un cadre moins prestigieux que le Panthéon, le pendule trace son mouvement au-dessus de baguettes multicolores qui sont autant de repères auxquels on est tenté de s'accrocher, alors qu'au contraire c'est dans la boule qu'il faut entrer, et se libérer du sol, et de la terre, pour approcher, même de si peu, ce qui pourrait être le mouvement des astres.

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17 novembre 2005 4 17 /11 /novembre /2005 00:00

Nuit blanche sur Paris. Sophie Calle, artiste originale s'il en fut, reçoit des quidam. Chacun a cinq minutes pour lui raconter son histoire. Elle est l'oreille de la Tour Eiffel. Combien d'histoires a-t-elle entendues? Huit heures de la nuit à cinq minutes chacun, cela fait une centaine de visiteurs, une centaine d'histoires personnelles, et bien sûr la seule question est d'imaginer qu'est ce qui a bien pu être dit durant ces cinq minutes, quels secrets, quelles confessions, quelles querelles, quelles injures, quels ressentiments, quels aveux, quelles amours et quelles haines ont été murmurés, ou criés, ou sanglotés. On peut imaginer une toute jeune fille éperdue, un adolescent angoissé, un homme trop sûr de lui, une femme abandonnée, une mère ou un père éplorés, un vieillard solitaire, une soeur inquiète, un frère protecteur, un étranger qui parle une langue inconnue, une personne qui a fait un long voyage pour venir parler, peut être même une personne qui a souhaité ne rien dire durant ces cinq minutes.

Et puis on se dit : qu'est ce que j'aurais dit, moi? Cinq minutes, c'est si court et pourtant si long. on a le temps d'avouer un crime, ou une faute, ou un amour, de dire des mots irrémédiables, dont les ondes devraient longtemps encore résonner tout autour de soi. On a le temps de montrer sa force ou ses faiblesses, son caractère, son égoïsme, son quant à soi (bien que si l'on a fait la queue pendant des heures pour venir parler cinq minutes, c'est bien que l'on veut s'exprimer), son orgueil, sa timidité, ...

Je ne crois pas que Sophie Calle ait enregistré ces confidences; au contraire elles gagnent en beauté de n'être dites qu'à une seule personne qui ne peut être directement concernée. Un visiteur a-t-il interpellé Sophie Calle, lui demandant d'intervenir, de quitter cette posture de seule écoute, ou bien le protocole du psychanaliste a-t-il été respecté, le silence maintenu, et une distance infranchissable est restée entre la bouche et l'oreille, entre le visiteur et l'occupante de la Tour Eiffel, et la fin du happening en a fait disparaître toutes les traces...

Ecoute éphémère de la dame de fer...

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7 novembre 2005 1 07 /11 /novembre /2005 00:00

Certaines villes ont un attrait subtil par les grands espaces que dessinent les installations portuaires, entre la ville et la mer. Grandes routes qui se perdent dans des zones de stockage, bâtiments aveugles aux numéros immenses, silos orgueilleux qui étendent leurs passerelles aériennes, chantiers maritimes aux coques abandonnées, empilements de containers où l'on peut deviner la provenance à défaut du contenu,  ponts métalliques, tournants ou pivotants, et les bassins sombres qui ont enfermé la mer pour mieux l'apprivoiser.

Les ports recèlent pour qui sait les arpenter des trésors inexploités, effectivement difficilement exploitables. Lorsque l'usage disparait, l'ouvrage subsiste, ne devant sa survie qu'au coût de sa démoilition, jusqu'à ce que un autre usage en rende la disparition économiquement possible. On ne détruit rien par plaisir, même les vestiges des périodes sombres. Il en va ainsi de hangars, de grues, de pontons, de balances pour les camions, de quais, d'installations miitaires.

Les bases sous-marines en sont certainement un magnifique exemple. Défiant à la fois l'espace et le temps, indestructibles, immenses coques sombres posées aux bords des bassins, elles présentent leur énigme vide qui inspire la crainte, leurs ouvertures sont si inquiétantes qu'on ne peut leur faire confiance, leur masse si imposante qu'on ne peut s'empêcher de les contourner.

Rien n'est plus faux : les bases sous-marines ont l'attendrissement des grands pachydermes qui s'étendent pour mourir: on ne les craint plus mais ils impressionnent toujours. Leur attente sera infinie, et pour occuper ce vide qui ne semble pas pouvoir être comblé, on leur octroye des occupations dérisoires: stockage de matériaux, abri pour les vedettes de la gendarmerie, ou contre la pluie pour les pêcheurs à la ligne, etc.

La première fréquentation d'une base sous marine fut celle de La Rochelle, dans l'attente du bac de la Pallice pour l'île de Ré. Les voitures avançaient lentement dans la chaleur de l'été. La file serpentait dans la zone portuaire, s'approchait de la base que l'on regardait à peine, pourquoi s'y intéresser quand on attendait de rejoindre les plages, même si sur celles-ci sont encore échoués les blockhaus qui ceinturent l'île. Les formes de radoub attiraient plus la curiosité, surtout si un bateau en faisait dépasser ses ponts supérieurs.

La seconde approche fut à Saint Nazaire, lors d'une visite sur la terrasse du sas de la base sous marine. Le panorama était formidable: d'un côté la ville, de l'autre le port et ses grands terre-pleins, ses bassins, ses hangars, ses bateaux. Nous étions là pour voir comment un sous marin désarmé, récupéré auprès de la marine, pouvait être placé dans ce sas et jouer les attractions touristiques. Ce petit bâtiment, un Espadon je crois, redonnait sa fonction à la base, mais domestiquée, apaisée. La terrasse recevait déjà plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par an. Le sous-marin les redoubla. Plus tard, la lumière fut chargée de mettre en valeur les alvéoles de la base, les teintant d'évanescences bleues, rouges ou jaunes, lumières débordant des bassins, redonnant un relief aux masses de béton noirci aux coulures de rouille.

La troisième approche fut à Lorient, quand fut créé le port de plaisance face à la base sous marine, pontons dérisoires, petits bateaux blancs aux frêles mâts, que les bouches énormes et noires de la base semblaient pouvoir avaler en une bouchée, ou disperser d'un simple souffle.

Depuis, je fais, chaque fois que je me trouve dans l'un de ses ports, un détour pour aller contempler ces monstres échoués dont personne ne sait quoi faire. Ils resteront là longtemps, témoins inutiles d'une période sombre dont on voudrait effacer les stigmates.

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2 novembre 2005 3 02 /11 /novembre /2005 00:00

 

Nous sortons du métro à 14h 05, soit avec une heure et quarante minutes d’avance sur le train de 15h45. Pourquoi sommes nous si en avance ? Nul ne le sait, si ce n’est une confusion inexplicable des horaires.

Nous nous asseyons à la terrasse de la Brasserie de l’Est, à l'angle du boulevard de Strasbourg et de la rue du 8 Mai 1945; nous sommes seuls dehors. Les tables sont rondes, avec un pied en fonte et un plateau en marbre, les chaises sont en bois avec un cannage. Au dessus de nous un store en toile rouge, avec le nom de la brasserie marqué sur la frange ; sur la façade, un bandeau « Service non-stop de 11h30 à 1h du matin ». Nous prenons deux cafés avec deux verres d’eau. Les cafés sont de marque Richard, le serveur n’oublie pas les verres d’eau. Je demande au serveur de bien vouloir rentrer le store, car nous aurions alors le soleil qui ne fait qu’effleurer les tables de marbre. Il refuse, prétextant ne pas avoir le temps.

La bouche de métro « Gare de l’Est » est devant nous. Sur le trottoir devant le plan du métro, deux scooters sont stationnés, l’un est un Zip de marque Piaggio, l’autre un Panthéon de chez Honda. Légèrement à droite se trouve l’arrêt du bus 47. Au-delà, c’est le macadam, puis la station des Noctiliens, les bus de nuit, puis de nouveau la macadam, puis le trottoir, de l’autre côté du boulevard. A côté de nous, sur la gauche, s’installe un jeune couple, puis, sur la droite, un couple âgé accompagné d’un jeune homme. Le jeune homme les quittera sans les embrasser tandis qu’on comprend que le couple âgé se rend à un hôtel tout proche. Une femme jeune s’assied après leur départ, déplace la chaise pour se mettre au soleil. Un jeune homme la rejoint avec un énorme sac, ce peut être son fils , mais ce n'est pas évident. Un homme au visage buriné vient jouer de l’accordéon, il joue mal et nous ne lui donnerons pas la pièce.

Sur la droite, la gare de l’Est est en travaux, entourée de palissades de chantier ; des bâtiments provisoires sont installés devant l’entrée, ils annoncent que « Nous préparons aujourd’hui l’arrivée du TGV en 2005 » . La façade de la gare est blanche, elle vient manifestement d’être refaite, la statue de Strasbourg trône au-dessus de la demi rosace de la façade, tandis que l'horloge est entourée des représentations de la Seine et du Rhin

Sur les marches de l’entrée de la gare sont assis des gens, en général jeunes, des étudiants pour la plupart ; ils sont au soleil, ils lisent, boivent, mangent, téléphonent, dorment, discutent ; ils sont calmes, ils semblent bien. Derrière, debout, des groupes, des blacks aux tenues soignées, la casquette est blanche, toujours sur le côté, quelquefois des lunettes de soleil posées dessus ; le mp3 est branché en permanence sur les oreilles ; les polos immenses arrivent presque jusqu’au genoux, au dessus des jeans flottants, délavés, recousus d’origine, qui descendent jusqu’à des baskets extravagantes, montées sur bulles d’air, les lacets défaits ; la démarche est lentement chaloupée, comme ralentie. Les filles sont moulées dans des tee-shirts trop courts, la taille est trop basse, les cheveux relevés sont teintés en couleurs vives.

Devant l’entrée je poste deux lettres de M. Puis nous rentrons dans le hall. Nous attendons au soleil qui pénètre à travers la rosace, presque juste au-dessous de l’immense tableau de 1926 d’Albert Herter qui représente le départ des soldats pour le front, en 1914. Le peintre a manifestement voulu montrer les derniers gestes, le dernier baiser, les dernières recommandations, les sanglots, tandis qu'au centre exulte un soldat, la fleur au fusil.

Dans le hall, les gens sont assis , leurs bagages sur le côté. Les kiosques ont des noms évocateurs: Pains à la ligne, Minut’bar, Ligne directe, Côté Café, Grignotin, sans compter le sempiternel relay H. La foule se fait plus dense, le train est maitenant annoncé mais le quai n’est pas indiqué, tout le monde attend debout, par contre un train supplémentaire est prévu, nous aurions pu prendre aussi un train plus tôt, pourquoi perdre plus d’une heure et demi dans une gare ?

Mais bientôt tout rentre dans l’ordre, le Corail Téoz n° 1007 est annoncé au quai n° 7, la locomotive est une BB 15001 à la livrée orange, violette et grise, dénommée Gretz Armainvilliers, le blason est reproduit sur la machine, un dragon vert surmonté d’une aile de chauve-souris blanche, les wagons sont décorés de motifs comme des sérigraphies, nous sommes dans la voiture 15, aux places 15 et 16.

Il est 15h45 et le train démarre.

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31 octobre 2005 1 31 /10 /octobre /2005 00:00

Le bois de Vincennes a quelques lacs, un  zoo, un parc floral, un temple boudhique, un château, un hippodrome, et ... une piste pour les cyclistes.

Elle est située en plein coeur du bois, et pas si facile à trouver pour qui vient la première fois. Pourtant, elle est bien connue des passionnés de la petite reine, comme on disait dans les années cinquante. J'entame généralement la boucle en entrant par le carrefour de la Patte d'oie. C'est là que se regroupent tous les vieux routiers, ils sont là sur leur machine, s'interpellant, commentant les vélos, les maillots, les casquettes, le temps, la forme. Pour certains ils se connaissent depuis des années, se craignent ou se soutiennent, s'entraînent, s'entraident. Le grand rassemblement est évidemment le dimanche matin, c'est le moment où il faut se montrer, seulement il y a beaucoup de monde, des jeunes, des familles, des cylistes du dimanche, des paumés, des frimeurs, et tout ce monde tourne sur une boucle de 3,2 kilomètres.

Le circuit est un triangle très allongé dans le sens nord-sud, les cyclistes l'empruntent dans le sens des aiguilles d'une montre. En partant de la Patte d'oie, qui est au Sud, on prend tout de suite sur la droite en remontant vers le Nord. C'est une grande descente sur la route Dauphine, qui est très large, on peut prendre un bel élan avec un bon braquet, certains se lancent à fond pour prendre le maximum de vitesse, d'autres au contraire en profitent pour boire un coup sans s'arrêter de pédaler. Il peut y avoir plus de dix cyclistes de front, des fois il faut s'écarter sur la gauche pour les doubler. On dépasse vite l'avenue des Tribunes qui part à l'Est vers l'hippodrome; la piste qui est toute droite quitte la forêt, croise la route Saint Hubert, pour dévoiler sur la droite la plaine de la belle Etoile, avec ses terrains de jeux de foot, et les cris des équipes dans le lointain. La descente est douce et régulière, mais suffisante pour aller vite. Dans sa deuxième partie, après avoir croiser la route de Faluère, la piste se borde d'arbres, je ne pourrais pas dire lesquels, absorbé comme je suis par la descente qui se termine par un virage à droite assez serré qu'on prend vite, je mets un point d'honneur à ne pas freiner, mais je préfère le prendre seul que dans un peloton qui peut m'envelopper au dernier moment, ne me laissant pas le choix de ma trajectoire. Tout de suite après le virage, il faut reprendre l'effort, la descente est finie, mais l'on veut garder encore de la vitesse. Cette portion de piste, qui emprunte la route royale de Beauté, quel beau nom, est la plus courte; c'est une sorte de phase transitoire avant de reprendre la montée, on a juste le temps de reprendre son rythme. Une fois, le cycliste qui est devant mois vacille, puis tombe. Il venait d'avoir un malaise. J'attends un moment auprès de lui, lui prête mon portable pour appeler sa femme, il ne sait pas ce qui s'est passé, il a eu comme un évanouissement. Je l'accompagne à pied jusqu'au carrefour de la Pyramide, on peut arriver en voiture aussi à cet endroit. Je le laisse là, puisqu'il m'affirme que "ça ira", et reprend la ronde.

Le carrefour de la Pyramide est le deuxième endroit de rallyement. Il y a une fontaine pour se désaltérer, on peut se reposer sous les arbres avant de reprendre la piste qui maintenant se met à monter, oh! ce n'est pas un col, mais c'est plus qu'un faux plat. On emprunte la route de Bourbon, plus étroite à cet endroit pour permettre aux voitures d'accéder à l'autre côté, j'ai vu des embouteillages de vélos certains dimanche des week end de mai, où tous les cyclistes on repris l'entraînement. J'essaie dans ce début de montée de tenir mon rapport mais je dois vite changer de pignon, et quelques fois, après plusieurs tours de piste, changer de plateau. Les jambes tirent, les cyclistes me doublent par pelotons entiers dans un schuintement mécanique, je refuse de compter combien me doublent, moi-même j'en double très peu, un vieux manifestement mal entraîné, ou une dame avec un vélo pour aller faire le marché , un panier sur la roue avant, avec sa petite fille. La piste croise de nouveau la route Saint Hubert, et s'élargit considérablement. Sur la droite on retrouve les terrains de jeux, puis la forêt (ou du moins ce qu'il en reste après la tempête de 1999). Elle rejoint enfin le carrefour de la Patte d'oie, généralement on fait un dernier effort dans les dernières dizaines de mètres; puis on trouve de nouveau le virage en épingle à cheveu sur la droite et la descente de la route Dauphine.

Combien de tours faut il faire? Eh bien, ça dépend, de la forme, de l'orgueil aussi, des fois je me suis surpris à me décourager, car j'avais calculé que certains allaient plus de deux fois plus vite que moi. Ils me doublaient deux fois dans un tour! Evidemment, en les regardant, je trouvais qu'ils étaient quand même bien plus jeunes, certainement plus entraînés, et qu'ils avaient de superbes machines qui n'avaient rien à voir avec mon vélo acheté en promo! Je me faisais des bleus à l'amour propre, et me consolais en me disant que l'essentiel, c'est de participer...

 Disons que dix tours, ça fait sérieux (mais personne ne vous oblige à compter) et puis après je suis vraiment fatigué, il est temps de rentrer, doucement, par les allées de la forêt, après m'être retourné sur ces fous sur de drôles de machines qui cherchent un peu à se faire du mal mais ils paraît que c'est pour leur bien...

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