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Chroniques libres et dessins sur les lieux, les villes, les gens, la famille.

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28 mai 2006 7 28 /05 /mai /2006 21:27

 

(à regarder avec des lunettes de relief)

En sortant de l'immeuble, la place (en fait ce n'est pas une place, mais un carrefour autour d'une fontaine) commence à quelques mètres, par une banque, la Société générale, qui fait l'angle de l'avenue Daumesnil et de la rue de Reuilly.  Un panneau indique pour les piétons Viaduc des Arts, un autre la Maison des Associations. Sur le trottoir élargi à cet endroit, un banc, souvent occupé par des vieilles personnes, des rollers, des mendiants; à côté, une cabine téléphonique, dont l'usage semble désuet à l'époque des téléphones portables, mais qui pourtant est assez souvent occupée; une boite postale jaune, debout, seule. Au début de la rue de Reuilly, une bouche de métro, qui indique accès principal rue Claude Decaen.

On franchit la rue de Reuilly par un passage pour les piétons et les cyclistes. De l'autre côté,  une agence immobilière, France CONTI, puis le Crédit du Nord. Sur la place, une station de taxis  où il y a toujours des taxis, avec une publicité pour Sephora;  un réceptacle vert, horrible, pour les bouteilles; un banc devant le Crédit du Nord avec un clochard assis, toujours le même. Sur l'immeuble, la plaque: Place Félix Eboué 1884-1944, Gouverneur de l'AEF, Compagnon de la Libération.  Sur le trottoir, une colonne Morris, avec trois publicités, l'une pour le film REEKER, inspirer, le mal, expirer la mort, une autre pour le film X-MEN L'affrontement final, une troisième pub pour le Théâtre de la Ville, avec Grace Ellen Barkey Chunking, création pour cinq danseurs, et Anna Teresa De Keersmaker, D'un soir un jour, du 30 mai au 10 juin. Le Crédit du Nord est dans un immeuble de 1930 des architectes J.BOUCHER et P.SOULARD, leurs noms sont gravés sur la pierre; plus bas des plaques: Docteur TRAN, Obésité acupuncture, Docteur JJ.NAILLON, Médecine générale. A côté du Crédit du Nord, une autre banque, la GE MONEY BANK  investir dans la pierre, Devenez propriétaire"). Au 7, un joli immeuble récemment ravalé, avec des figurines au-dessus des fenêtres du premier étage. Il respire l'aisance, et est orné du médaillon des huissiers. Trois plaques: Jacques A. AYGEARD, huissier de justice, A. DELATTRE TREDANIEL, Docteur en médecine, Gilles DELATTRE, Ostéopathe D.O., soins holistiques. (Que sont les soins holistiques? se renseigner).

Sur la plaque de la rue de Lamblardie, le de est effacé, (1747 - 1797), Ingénieur hydrographe, Premier directeur de l'Ecole Polytechnique. Sur l'autre côté, vers la place, une autre plaque Place Félix Eboué, 1884 - 1944, Gouverneur général du Tchad (1938), de l'Afrique Equatoriale française (1940).

En face, la station de bus des lignes 29 et 62; sur l'aubette, une publicité pour le Sunshine Burger  de chz Quick, une autre pour le film Hooligans film, Entre fascination et répulsion, il doit faire un choix. A suivre, la boulangerie D. Laurent, boulanger-patissier; une supérette  La superette de la place; une boucherie La boucherie de la place; un kiosque à journaux au début du boulevard de Reuilly.

A l'angle du boulevard de Reuilly et de l'avenue Daumesnil, on trouve une horloge à trois cadrans qui marque au moment où je le note sur mon petit calepin 18 h 36; un panneau vert pâle qui indique la déchetterie de la Poterne des peupliers; un poteau indicateur Decaux indiquant à droite Porte Dorée, Bois de Vincennes, à gauche H Rotschild, Hôpital d'enfants Armand Trousseau; l'entrée du métro de style Guimard; un square où vivent en permanence deux à trois clodos, l'arrêt du bus 46.

De l'autre côté de l'avenue Daumesnil, le café Au Métro étale une bâche rouge sang, arbore un stand d'écailler Spécialité de fruits de mer; devant, un tout petit kiosque, où je viens acheter mon journal quand je suis à Paris; des pubs Dites je t'aime à la femme de votre vie (Marionnaud), Zidane, un portrait du 21e siècle,  une pub pour X men. Au numéro 12, plusieurs plaques: Dr Sylvie JAMAIN, Psychiâtre Psychothérapeute; Dr Charles PERECHE, Chirurgien dentiste; Dr Pascal NEBOT, Médecine générale. A gauche le magasin EXPERT avec les marques indiquées sur le rebord de l'auvent: Miele, Siemens, Liebherr, Whirlpool, A.Martin, Philips, Panasonic, Scharp, JVC SONY, Samsung; à côté une cabine téléphonique, une station de métro simple, un vélo attaché à la barrière de la station VIJAY Cycles, vente réparation rue Toul, une pub au-dessus de la station pour le film Camping : Alors, on attend pas Patrick?  et  All is Allright, les deux affiches défilent alternativement.

Traversée de la rue Claude Decaen, 1811 - 1870, Général mortellement blessé à Borny le 11 août 1870; à l'angle une pharmacie ouverte 7/7 jours avec une pub pour ROC Promesses tenues et pour Retinol anti-cellulite. Un très bel immeuble, avec une tête de femme au-dessus de l'entrée et une porte de fer ouvragée. A côté de la porte, encore des plaques: Dr Antoine COLETTIS, chirurgien dentiste, Dr Olympia COLETTIS, chirurgien dentiste, Maurice TRUJMAN, Psychothérapeute - psychanaliste. Plus loin un café Au va-et-vient, assez ordinaire; une sortie de métro; au n°4 un immeuble style île de France du Crédit Lyonnais, avec le Centre Daumesnil; au n°46 boulevard de Reuilly un horrible immeuble moderne de 12 étages, avec le magasin ATAC au rez-de-chaussée, et un magasin de fleurs.

 Après avoir traversé le boulevard de Reuilly où s'installe le marché les mardi et vendredi, un panneau d'information de la ville de Paris qui fait défiler les informations : Ne restez pas seuls avec vos questions! Ensemble instrumental de Paris, 2007 inscriptions sur les listes électorales, mairie ouverte tous les jours, Concert figures baroques, Un tramway nommé désir, de T.W.WILHAMS au Théâtre Mouffetard, Le barbier de Séville au Vingtième Théâtre , etc, etc; les informations défilent et s'effacent, à peine le temps de lire.

Entre la boulevard de Reuilly et l'avenue Daumesnil, un immeuble en ravalement, recouvert de plastique; au rez-de-chaussée la banque LCL, deux petits ronds de verdure; un autre panneau Decaux Bastille, Gare de Lyon, Faubourg Saint Antoine, Mairie du XIIe, Comissariat; un autre panneau piéton Bureau de la Poste 168 av Daumesnil, mairie du XIIe 1 rue Descos.

En revenant enfin sur le trottoir de notre immeuble, un panneau jaune Rue Hénard barrée, déviation rue Brahms, l'arrêt du 29, un restaurant, le 12 aime.

Et le tour de la place est fait.

Une autre fois, je décrirais la fontaine et ses lions!

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23 mai 2006 2 23 /05 /mai /2006 22:10

La visite avait un prétexte futile: la création envisagée d'un golf autour de la presqu'île. Pour financer le golf, un ensemble immobilier de plusieurs centaines de maisons. Le maire marchait devant, avec quelques adjoints, et le président de la chambre de commerce, et quelques clampins comme moi. Il faisait beau, je me souviens, le ciel dégagé permettait de découvrir toute la baie de Morlaix, avec ses rochers jetés au milieu. Nous prîmes tous le chemin qui faisait le tour de la presqu'île, marchant à la queue leu leu. Un architecte de golf, venu de Paris, ou peut-être mieux , d'Angleterre, jaugeait la terre, les vallonnements, le vent. On voyait déjà dans ses yeux se dessiner les courbes tendues des fer 2, celles plus amples des bois, le repos trompeur des greens. Son oeil flirtait avec la côte, imaginant des bunkers dans les prés, et peut être même, comme je l'ai faire vu à Belle ile, un fairway passant au-dessus de la mer, avec les goélans entre. La mer était haute, je me souviens de cette impression de plénitude de la mer emplissant la baie, comme débordant de plaisir. La mer était calme, le ciel était pur, c'était la bonne saison, celle d'avant les vacances quand il fait déjà beau. La petite troupe poursuivit son chemin, longeant la mer, jusqu'à découvrir une surélévation sur la presqu'île.

Ce n'est qu'en s'approchant que l'on s'apercevait de la masse de pierre. Elle était comme enfoncée dans la terre, par son poids, par le temps. A peine distinguait-on une nuance de couleur entre les deux parties, l'une plus sombre, plus austère, plus inquiétante, et l'autre reconnaissant le soleil, l'acceptant, jouant presque avec. La troupe ralentit en approchant. Des trous sombres rythmaient l'amas de pierre. Des entrées, étroites et basses, peu engageantes. On s'y enfonce courbé, les yeux cherchant quelque repère dans l'obscurité, les mains s'écorchant aux pierres. Quinze mètres pour arriver à une chambre à peine plus large. Quinze chambres alignées ainsi, une première série datant de 4000 ans, l'autre deux mille ans après. On ne peut entrer dans toutes. De toute façon, on se lasse vite; la lumière à chaque sortie vous accroche, vous interroge: pourquoi entrez vous? à quoi cela sert-il? que cherchez-vous? la lumière vous retient, vous happez une grande bouchée d'air marin, il devient moins important d'entrer à nouveau dans les caveaux de pierre, le soleil vous garde, vous etes vivant, dans ce siècle, vous avez une voiture, vous etes venu pour, pourquoi déjà? ah oui, pour concevoir un golf qui tourne autour du cairn, avec des maisons autour qui bénéficient à la fois de la vue sur la baie et du golf, 18 trous, un club house, des amis, vous dégustez un citron pressé après le parcours, échangeant vos scores, vos handicaps.

La mer est belle, le ciel est clair, des hommes, il y a des milliers d'années, avaient le même ciel, la même mer, et ils entassaient des pierres pour ensevelir leurs ancêtres, en implorant quelque dieu obscur, quelle importance maintenant? le cairn occupe toute la place, il diffuse une sourde puissance, il est vide pourtant, il ne sert plus à rien, il a été pillé, vidé depuis des siècles; quand on lui tourne le dos, on croit le sentir, une vibration très lente, une onde venue de loin dans le temps, qui vous immobilise, vos yeux restent fixés sur la mer, vous êtes là, immobile, hagard, absent. Le golf s'est évaporé, les maisons avec la vue sur la baie ont disparu, monsieur le maire et monsieur le président sont partis aussi; quelle idée de vouloir faire quelque chose ici, le cairn est bien suffisant, même vide, et la côte alentour acquiesce.

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22 mai 2006 1 22 /05 /mai /2006 07:06

Sur le flanc sud, la longue brûlure noire comme une langue mortelle. Le chemin se perd presque dans le taillis calciné. Rien, ni le vent ni les nuages lourds qui rasent le mont, ne semble pouvoir en apaiser la douleur. La vallée que nous avions quittée annonçait déjà cette aridité qui maintenant a envahi le sol, et que le feu a rendu comme définitive. La montée pourtant est facile, le village aux toits pentus encadrés de leurs pignons blancs s'enfonce lentement dans le vallon. En avançant, la perception change quand le mont tourne sur lui-même, que le paysage s'agrandit, que l'horizon se dégage sous le ciel mouvementé, que se dessine le tracé de la côte, que la mer apparaît , lointain reflet sombre qui échancre les terres. La lumière s'est intensifiée, épurée, le paysage la renvoie comme une parabole, la surface au-dessus de nous s'amenuise quand celle de la vallée s'étend, le vent s'est mis de face et soulève les cirés, nous sommes des silhouettes légères sur la terre rase, et qui se penchent pour avancer dans le vent qui forçit, je tiens la petite main de Bertrand qui, à sept ans, a du mal à rester sur le sol, et qui, en arrivant au sommet, quand la pente s'adoucit et laisse percevoir l'autre versant, quand l'horizon d'un coup s'élargit circulaire, et que le vent s'installe définitivement sur le sommet comme une conquête, s'écrit: "C'est génial ! ".

Nous tournons autour des tables d'orientation, plissant les yeux pour apercevoir les villages lointains, la presqu'île de Crozon, la baie de Brest et de l'autre côté les monts d'Arrée. Nous circulons sur la butte, s'arrêtant quand le sol s'infléchit, cherchant un autre chemin pour descendre, mais revenant toujours au plus haut pour embrasser le ciel, le vent, l'horizon. Partir, c'est vouloir échapper à l'emprise du site, au mystère des ancêtres lointains qui durent venir ici, les nuits de pleine lune, sacrfier aux dieux exigeants, formes fantômatiques implorés par je ne sais quelles prières, sous une lune hollywoodienne que malmènent les ciels d'orages. Entend-on encore dans le sifflement du vent les haleines des esprits errant sur les landes sauvages? Quelles forces ont été mises en oeuvre pour conjurer l'angoisse des hommes, pour aiguiser leurs ambitions guerrières, ou pour supplier de leur donner de quoi vivre seulement? Les esprits s'égarent sur les espaces trop vastes.

Nous redescendons poussés par le vent, les cirés plaqués sur les jambes, les oreilles sifflent encore de l'air du sommet, nous retrouvons peu à peu les haies, les chemins creux, les bosquets d'arbres, les maisons blanches aux toits d'ardoise, la voiture.

Bertrand, deux fois, demandera à remonter au sommet, pour goûter les grands espaces, pour arraisonner l'horizon, pour avaler le vent à pleins poumons, pour sentir la terre plus profonde, et pour dominer le monde.

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9 mai 2006 2 09 /05 /mai /2006 11:40

C'est un gros caillou.

C'est un extrait de morène, brassé durant des siècles par les glaciers; c'est une grosse boule charriée, érodée, polie, roulée, brassée par les temps et les climats.

C'est, dominant la ville, sur la colline des canuts, une statue de pierre, commandeur sans jugement; c'est, pour l'enfant que je fus, une surface lisse, sans aspérités, sans prises, sur laquelle il est difficile de monter; c'est un éverest pour un enfant de cinq ans, un rocher d'escalade sans cordée, sans rappel; c'est un rocher que Sisyphe aurait réussi à maintenir au sommet; c'est le symbole de mon quartier, de celui qui domine la ville, qui rassemble les masses travailleuses comme on disait; c'est une cerise sur un gâteau; c'est un point d'orgue dans la symphonie lyonnaise;

Comme tous les hauts sommets, il faut pour le conquérir disposer de phases d'approche: ce sont les traboules qui serpentent à travers les immeubles, ce sont les escaliers qui s'insinuent entre les rues, ce sont (c'étaient) les bruits des métiers qui rythmaient la vie des canuts, ce sont les jardins suspendus au-dessus de la ville, ce sont le panorama qui petit à petit dégage la ville toute entière, son fleuve qui scintillle, ses toits rouges et ocres, et au loin les monts des Alpes, comme une invitation aux sommets.

Bien sûr j'exagère, ce n'est qu'une pierre extraite de la terre lors du creusement du tunnel; ce n'est qu'un point sur le i de la colline; ce n'est qu'une curiosité locale. Vous avez compris que j'aimais mon Gros Caillou, que je veux lui donner de la majuscule, qu'il a été mon compagnon, à deux pas de l'école élémentaire Vaucansson, qu'il fut un point de rendez-vous, une marque, un signe.

Je vous y donne rendez-vous, essayez de l'escalader, et dominez la ville!

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28 avril 2006 5 28 /04 /avril /2006 18:27

 

 Naissance, le 23 avril 2006, à 15h32, à Paris, de

Louise

53 cms, 3,370kilos, fille de Cécile et Bertrand.

 

Naissance, le 28 avril 2006, à 8h27, à Paris,

d'Edouard

 49 cms, 4,010kilos, fils d'Estelle et d'Olivier

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20 avril 2006 4 20 /04 /avril /2006 19:42

Le vieil homme est grand, très mince, maigre. Il porte un costume gris croisé qui flotte un peu autour de lui. Le vieil homme porte un béret étroit qui lui enserre la tête. Il a posé un vieil électrophone sur le parapet de la cour du musée. Ce doit être un appareil à piles car il n’a pas de fil. A côté il a disposé quelques disques, des 45 tours. Il en introduit un sur le pick-up. Une musique s’élève, pas très puissante, un peu égrillarde. C’est une valse, de Strauss ou de Lehar.

Le vieil homme commence à tourner ; il porte au pieds des patins à roulette. Il se tient très droit, les mains derrière le dos, les bras s’écartant à peine du corps pour donner l’élan. La tête est dressée, le regard ne fixe rien de précis, il tourne parmi les colonnes du musée, il ne voit personne, un sourire fixé en permanence sur ses lèvres. Le vieil homme danse sur la musique, il lance son pied sur les premiers temps de la valse, tandis que l’autre pied se soulève doucement, les mouvements sont mesurés, ce sont ceux d’une vieille personne qui économise ses forces, mais tous les gestes sont là, ils coulent les uns après les autres, au rythme de la musique.

Le vieil homme tourne dans la cour du musée qui domine la Seine ; les colonnes l’entourent comme pour le protéger, il n’y a que quelques spectateurs qui se sont arrêtés, des visiteurs qui sortent du musée et qui s’étonnent de voir le vieil homme dans le soleil, avec son ombre qui tourne autour de lui au son de la valse, avec ses bras qui se balancent à peine pour accompagner le pied qui se lance, avec le béret qui détonne sur le costume croisé boutonné, avec cet air imperturbable qui semble tout ignorer de se qui se passe autour.

Je venais souvent au Musée d’art moderne voir les tableaux d’Yves Tanguy et de Max Ernst ; je les connaissais, j’allais directement dans la salle correspondante, je restais longtemps devant pour les contempler, les apprendre, m’en imprégner, ceux de Tanguy aux formes flottantes dans un monde sans limites, ceux de Max Ernst aux matières sombres de bois et de forêts fantastiques, aux soleils primitifs des premiers temps de l’homme.

Dehors, je retrouvais le vieil homme qui tournait. Je le regardais toujours avec la même fascination. Durant les années de Paris, je ne me souviens pas de pas l’avoir vu. Il devait venir tous les après midi.

Et puis bien sûr un jour il ne fut plus là, et puis après la cour fut envahie par des chaises et des tables pour y servir des boissons, plus tard le musée fut refait à neuf, les fresques nettoyées, les cimaises renouvelées ; je n’ai plus vu le Tanguy, ou je ne l’ai plus cherché, je n’étais plus fasciné par les formes flottantes ou par les bois obscurs. Le vieil homme a du mourir maintenant, et qui a pu garder le tourne-disque et les patins à roulettes, et les disques de valses de Strauss et de Lehar 

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18 février 2006 6 18 /02 /février /2006 21:27

Une onde, une vague, une aile ancore vibrante posée sur le sol. Des arcs de fer alignés qui tentent de s'échapper de la terre, qui y reviennent doucement, pour s'y enliser plus loin. Un serpent qui se hérisse comme un chat. La volonté d'épouser le paysage, de n'en faire qu'une déformation, une poussée, une résurgence, la terre se fait colline, se montre aux passant de l'autoroute proche, se fait caverne, abri: voilà, un abri, un lieu de recueillement, de recueillement des oeuvres du peintre Klee, natif de Bern, un lieu de recueillement devant les oeuvres de Klee.

Le musée Klee se veut discret, mais il apparaît immédiatement trop grand, trop ostentatoire pour les oeuvres du maître, un homme discret, un artiste de l'imaginaire intime, de l'humour désabusé, un pédagogue pointilleux. Une seule arche pour accueilir les tableaux, une autre est l'entrée et la boutique, la troisième est (était, quand j'y suis passé) inutilée. Les tableaux sont sur des cimaises, comme dans un grand hall; il y en a presque trop.

L'accumulation en peinture est mauvaise conseillère, elle permet d'embrasser l'évolution d'une vie, des premières gravures aux derniers tableaux sombres de guerre, mais elle enlève le temps de la création d'une oeuvre, combien de temps pour une de ces aquarelles qui servait à Klee pour faire ses cours au Bauhaus? une heure à peine, l'idée posée sur le papier, mais l'idée comme un pas, une marche, et c'est cette marche qu'il est passionnant de comprendre, le rytme de la vue au rythme du pas posé, réfléchi, un carnet à la main, le temps de noter, de s'imprégner, de recevoir.

Chaque aquarelle est un monde à explorer, aux multiples résonnances. Ou bien des ensembles homogènes: Klee travaillait souvent à plusieurs tableaux à la fois, plusieurs photos dans son atelier le montrent, ce sont ces tableaux là qu'il faudrait exposer, mettre à jour le work in progress, une exposition à Strasbourg il y a un ou deux ans montrait bien la conception de Klee à partir des formes naturelles, les feuilles, l'arbre, le végétal, les fossiles, les coquillages, ou les ensembles, l'écaille de posson, le poisson, le banc de poissons, ou la structure musicale (Klee jouait du violon), etc.

Klee a besoin d'intimité, d'un espace pas trop grand, il y a peu de grands formats, il y a chez Klee une économie de moyens (et une grande force d'évocation) que ne reflète pas ce musée qui semble avoir sacrifié à la mode de l'art business et à la concurrence internationale des musées, outils de promotion de l'image des villes.

Mais relativisons: tout cela reste quand même plus discret que la mozartmania actuelle...

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12 février 2006 7 12 /02 /février /2006 15:53

Nous sommes les enfants de La Fayette, quand les rêves de liberté s'allient au désir des continents lointains. Pour gagner l'Amérique, le marquis s'offrit un bateau sur ses propres deniers. Il embarqua contre l'avis de son père, contre l'avis du ministre de la guerre, contre l'avis du roi. Seule sa femme accepta, parce qu'une épouse d'un La Fayette acceptait que son mari parte jeune à la guerre se faire tuer. Avant ils faisaient vite des enfants pour assurer la descendance.  Le bateau s'appelait l'Hermione.

La construction d'un navire de guerre était rapide, quelques mois seulement; l'armée avait besoin de navires pour battre l'Angleterre, pour effacer l'humiliation  qu'elle avait infligée à la France;  on déboisait la France, mobiisait charpentiers et menuisiers, voiliers et cordiers. La corderie royale de Rochefort tournait les fibres en d'interminables tresses; elle livrait écoutes et ralingues, et les amarres aussi, de celles que l'on largue quand le vent de l'histoire souffle trop fort, quand les destins traversent les océans pour s'accomplir.

Un autre rêve est de revivre le rêve, de retrouver l'odeur du bois, de reprendre les gabarits, les couples, les formes anciennes, de choisir les essences, les faire venir des meilleures forêts, de ressentir à nouveau les gestes du métier, celui du maître qui voyait le navire plus qu'il ne le concevait, qui se fiait plus à son oeil qu'aux plans, qui en savait la ligne comme s'il ne l'avait jamais apprise.

Depuis plusieurs années, l'Hermione prend forme à Rochefort, aussi; elle prend son temps; elle n'a plus l'urgence des combats. Elle fera un voyage inaugural pour prouver sa force, puis elle reviendra se poser, se reposer de ce long et unique périple. Mais elle aura emmené tous les rêves, ceux des insurgés contre l'Angleterre, ceux d'un royaume finissant qui aide une démocratie à vaincre un autre royaume, et tous ceux qu'emporte tout marin quand le navire quitte le port.

L'Hermione est dans un hangar de métal, elle est dans son cocon, discrète et besogneuse. Un jour, la marée haute viendra la chercher, elle glissera sur les marais, suivra docilement le fleuve tranquille, rejoindra la mer, déploiera ses ailes, et emportera nos rêves.
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4 février 2006 6 04 /02 /février /2006 19:55

La chapelle de Ronchamp est une extase d'architecte.

Elle semble se dérouler comme une feuille. Elle vient se poser comme une incantation sur la colline. Elle fixe le paysage dans sa propre contemplation. Elle prend ses distances avec ses cloches, exposées comme on tend du linge. Elle est l'humilité montée sur de grands chevaux. Elle manie l'aigu et la courbe. Elle ne s'offre pas, elle s'impose. Elle n'incite pas à la prière, elle appelle le commentaire.

Peut être faudrait monter à pied du village; la voiture, en prenant l'assaut de la colline, vous colle trop vite sur cet objet fermé, fier, talentueux. L'approche est touristique: on achète un ticket, on peut prendre un café ou un chocolat, ou acheter l'un des innombrables livres sur Le Corbusier, qui semble aujourd'hui encore inépuisable. On vous explique les secrets du modulor, on se demande où est Chandigarh, ou bien pourquoi ce pseudo de Le Corbusier, Corbu pour les initiés.

Tourner plusieurs fois autour de la chapelle avant d'entrer: petit à petit elle s'apprivoise, elle semble diminuer un peu de taille, elle apparait multiple, diverse, mouvante. Monter sur le monticule qui permet de la dominer, de relativiser la colline, de l'inscrire dans le paysage. Elle devient sculpture qui tourne sur son socle pour mieux en voir les proportions. Un visiteur apparaît au balcon, en général étend les bras pour simuler un prêche; puis la silhouette disparaît dans l'ombre. Il invite à entrer.

Le seuil franchi, la lumière se mue. Elle se fragmente, s'irise, se colore; elle semble vouloir percer les murs de béton, elle cherche chaque interstice, elle s'immisce, elle investit la chapelle par faisceaux, chaque fois différents, de lumière, de forme, d'intensité. L'intérieur se fait théâtre: la lumière est douche, spot, rampe. Elle pénètre avec force pour ensuite glisser sur les parois de béton, et se diffuser, se faire douceur, intimité, recueillement.

La chapelle s'inscrit alors dans l'histoire, prolonge les églises romanes, rappelle les chapelles gothiques. Elle est modernité. Le retour à la lumière du jour provoque un léger tanguage, comme losque l'on remet le pied sur la terre ferme après un voyage en bateau. La chapelle est devenue plus familière.

 Evitons qu'elle ne soit que touristique. Mais déjà on a rejoint la voiture, on ouvre la carte: on va où, maintenant?

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3 février 2006 5 03 /02 /février /2006 18:01

Je regardais récemment une exposition sur les livres de le Corbusier.

Un petit livre parlait de la petite maison, celle de Curseaux, sur le lac Léman. Cela me rappela un souvenir.

De Strasbourg à Lyon, il y a deux routes: la plus naturelle est celle qui passe à Montbéliard et Besançon; l'autre passe par la Suisse et le lac Léman. La première passe près de la Chapelle de Ronchamp, du Corbu. J'empruntais une fois la seconde, pour changer, sans intention particulière. et ce n'est que par le plus grand des hasards que je vis un petit panneau indiquant la petite maison de Le Corbusier. La route était étroite, enserrée entre les côteaux et le lac. Je m'arrêtais.

La maison était fermée; il fallait prendre rendez-vous. Mais au-dessus du mur, on pouvait en deviner certains aspects.

la simplicité: une boîte allongée le long du lac.

la beauté: le lac, les montagnes au loin, les vignes derrière.

la rusticité: béton, pierres, tuiles de tôle galvanisée

l'intimité: un jardin, un mur qui enferme, une fenêtre sur le lac, qui ouvre (c'est la photo)

la grandeur: par sa forme allongée, par ses lignes tendues, elle paraît plus grande que ses 60 mètres carrés.

l'originalité: elle fut accusée d'être "un crime de lèse-nature"

la fonctionnalité: elle est une machine à habiter, pratique et fonctionnelle, conçue pour des personnes âgées, les parents de Le Corbusier

Bien sûr, aujourd'hui, la route a été agrandie, elle est trop près de la maison, mais celle-ci arrive pourtant, en lui tournant le dos, à s'en protéger.

Je tourne devant la maison, essayant de voir l'intérieur, et puis qu'y a-t-il à voir? une nouvelle conception? un concept? un lieu de retraite? une nostalgie de la modernité? un regret enfoui? un désir de possession? une approche du talent? une figure de la beauté?

La beauté est dans la tête, dans la conception, dans l'intention. Le côté faussement fruste de la maison n'est là que pour souligner les intentions réelles de l'architecte, l'organisation rationnelle de l'espace, la volonté du non-monumental, la rigueur de la pensée.

Je m'épuise en vain sur le trottoir. La famille s'impatiente dans la voiture. Après tout, l'important, c'est l'eau du lac, l'air du ciel, la terre des vignes, ... et le feu de la curiosité.

 

 

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